Monsieur le Président,
Nous citons votre réponse à une question d’un représentant
de Human Righ Watch concernant la libération de Jabeur Mejri (1) :
« Nous avons une société très conservatrice, il faut
attendre le bon moment. En plus avec tous les salafistes que nous avons, ce
serait dangereux pour lui. J’attends encore quelques mois et hop, je le libère. »
Peut être que l’ancien Président de la Ligue Tunisienne des
Droits de l’Homme a oublié ce que représente HRW en particulier et les Droits
de l’Homme en général. En offrant une telle réponse concernant un prisonnier
politique, non seulement, vous confirmez que la justice tunisienne a condamné
un homme en raison d’une opinion mais que si il n’a pas été gracié par vos
soins, c’est toujours en raison de ses opinions.
Votre société conservatrice n’est pas
la société tunisienne.
Vos propos sur la société tunisienne démontrent, s’il en
était encore besoin, à quel point vous êtes coupé des aspirations de la nation.
La société tunisienne est une société ouverte, tolérante et jeune. C’est cette
jeunesse tunisienne qui a porté la Révolution vous permettant de rentrer au
pays et d’y prendre la place de Président. Elle n’est pas une jeunesse
conservatrice qui aspire à moins de droits et moins de libertés. Elle s’est
battue dans sa chair et dans son sang pour exactement le contraire. C’est une
jeunesse, à l’exemple de Jabeur, qui s’exprime par les réseaux sociaux, les
arts, la culture, … Et elle n’entend pas se laisser enfermer dans le modèle
importé et rétrograde tel que le pouvoir provisoire qui est en place et que
vous représentez, veut l’instaurer.
La Tunisie post-Révolutionnaire ne veut plus de dictature
qu’elle soit celle d’une Mafia ou d’une théocratie. Entre la peste et le
choléra, les Tunisiens ont choisi. Ils ne veulent ni l’un, ni l’autre.
Les jeunes qu’ils soient de « simples » citoyens,
les artistes, les militants, les journalistes, les juristes, … vous le confirmeront : il faut avoir le
courage de ses opinions, les exprimer et les traduire par des actes.
La réponse faite à HRW démontre que ce n’est pas votre cas
concernant les prisonniers d’opinion.
Ce n’est pas la girouette qui tourne, c’est le
vent.
Pour la famille de Jabeur Mejri, pour ses avocats, pour son
Comité de Soutien et pour ses amis, entendre que Jabeur sera libéré au moment
que vous jugerez opportun est une honte. Considérer un homme, et à travers lui
la Liberté d’expression, comme une carte à jouer dans un jeu politique trouble
est scandaleux. Il est vrai que le dictateur Ben Ali libérait des prisonniers
politiques en fonction de ses seuls intérêts à maintenir la dictature.
Croyez-vous vraiment que les Tunisiens sont aveugles dans ce jeu de
dupes ?
Vos « visions avant-gardistes » pour la promotion des droits
de l’Homme du Président Morsi et des prisonniers politiques en Egypte feraient
bien de s’appliquer en Tunisie. Il faut balayer devant sa porte avant de
prétendre donner des leçons dans la maison voisine :
Jabeur Mejri, les rappeurs
Klay BBJ et Weld el 15, le metteur en scène Nassredine Shili, le cinéaste et fondateur de Radio Chaabi, Nejib Abidi, le
réalisateur Abdallah Yahia, l’ingénieur du son Yahia Dridi, le compositeur Slim
Abida, la féministe Amina Sboui, … pour ne citer que les plus médiatisés.
La Prison, quartier de haute sécurité
pour les Tunisiens.
Jabeur Mejri, de sa prison
miteuse où des maladies d’un autre temps pullulent, sera probablement
reconnaissant que vous cherchiez à le protéger des milices salafistes. Les
mêmes que les autorités en place ont laissé proliférer en toute connaissance de
cause. D'ailleurs, nous allons être nombreux à répondre à votre invitation pour
aller en prison en quête de sécurité dans un pays de non droit !
Un peu de sérieux quand on
évoque la sécurité publique ne nuirait pas à la Tunisie même si les autorités
que vous représentez sont incompétentes pour la garantir à l’ensemble des
citoyens.
Votre renoncement à vos idées
et aux valeurs défendues par les Révolutionnaires ne sera pas notre renoncement
à défendre Jabeur Mejri et à exiger sa libération.
Nous, nous ne baisserons pas
les bras et nous n’attendrons pas que le vent change pour agir avec encore plus
de détermination que cela soit en Tunisie.
Nous appelons les citoyens,
les ONG, les militants, les partis politiques à nous rejoindre dans les actions
que nous allons lancer en Tunisie comme à l’étranger.
(1)
A
l’occasion de sa participation au Council on Foreign Relations le 25 septembre
dernier, Le Président Marzouki a donné l’explication du maintien en prison en
répondant à une interpellation de Kenneth
Roth, directeur exécutif de Human Rights Watch
(voir à 24 '30'' pour l'extrait concernant Jabeur Mejri)
J'ai
été profondément choqué par ça. Il est triste qu'un jeune homme soit
condamné à 7 ans de prison pour une bande dessinée. Bien sûr, c'est une
bande dessinée. Nous avons également une société très traditionnelle et
très conservatrice. Et maintenant soyez sûrs que j'attends juste le bon
moment vous savez, un moment particulièrement bon pour relâcher ce
type. Vous savez quand vous avez cette situation avec les salafistes,
extrêmement violents et ainsi de suite, relâcher ce gars juste
maintenant pourrait être dangereux pour lui-même.
Mais j'ai décidé que j'attends juste quelques mois avant hop (sic), il sera relâché.
Le Comité de soutien
Je n'ai pas regardé la vidéo encore mais vous écrivez, en citant Marzouki : (...) Il est triste qu'un jeune homme soit condamné à 7 mois de prison pour une bande dessinée. (...) Mais c'est 7 ans, pas 7 mois n'est-ce pas ?
RépondreSupprimerOui, c'est bien 7 ans pour un post partagé sur FB
RépondreSupprimerC'est un "président" qui vit loin de la réalité du pays. Il est amnésique et n'a plus les notions du temps de cette lourde sentence ni du lieu où se trouve actuellement ce jeune... mais défend un président déchu!!! Il n'a plus rien à faire dans ce pays où il présida les Droits de l'Homme...
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