vendredi 27 septembre 2013

Selon le vent, vous serez coupable ou innocent.



Monsieur le Président,



Nous citons votre réponse à une question d’un représentant de Human Righ Watch concernant la libération de Jabeur Mejri (1) :



« Nous avons une société très conservatrice, il faut attendre le bon moment. En plus avec tous les salafistes que nous avons, ce serait dangereux pour lui. J’attends encore quelques mois et hop, je le libère. »



Peut être que l’ancien Président de la Ligue Tunisienne des Droits de l’Homme a oublié ce que représente HRW en particulier et les Droits de l’Homme en général. En offrant une telle réponse concernant un prisonnier politique, non seulement, vous confirmez que la justice tunisienne a condamné un homme en raison d’une opinion mais que si il n’a pas été gracié par vos soins, c’est toujours en raison de ses opinions.



Votre société conservatrice n’est pas la société tunisienne.



Vos propos sur la société tunisienne démontrent, s’il en était encore besoin, à quel point vous êtes coupé des aspirations de la nation. La société tunisienne est une société ouverte, tolérante et jeune. C’est cette jeunesse tunisienne qui a porté la Révolution vous permettant de rentrer au pays et d’y prendre la place de Président. Elle n’est pas une jeunesse conservatrice qui aspire à moins de droits et moins de libertés. Elle s’est battue dans sa chair et dans son sang pour exactement le contraire. C’est une jeunesse, à l’exemple de Jabeur, qui s’exprime par les réseaux sociaux, les arts, la culture, … Et elle n’entend pas se laisser enfermer dans le modèle importé et rétrograde tel que le pouvoir provisoire qui est en place et que vous représentez, veut l’instaurer.

La Tunisie post-Révolutionnaire ne veut plus de dictature qu’elle soit celle d’une Mafia ou d’une théocratie. Entre la peste et le choléra, les Tunisiens ont choisi. Ils ne veulent ni l’un, ni l’autre.

Les jeunes qu’ils soient de « simples » citoyens, les artistes, les militants, les journalistes, les juristes, …  vous le confirmeront : il faut avoir le courage de ses opinions, les exprimer et les traduire par des actes.



La réponse faite à HRW démontre que ce n’est pas votre cas concernant les prisonniers d’opinion.



Ce n’est pas la girouette qui tourne, c’est le vent.



Pour la famille de Jabeur Mejri, pour ses avocats, pour son Comité de Soutien et pour ses amis, entendre que Jabeur sera libéré au moment que vous jugerez opportun est une honte. Considérer un homme, et à travers lui la Liberté d’expression, comme une carte à jouer dans un jeu politique trouble est scandaleux. Il est vrai que le dictateur Ben Ali libérait des prisonniers politiques en fonction de ses seuls intérêts à maintenir la dictature. Croyez-vous vraiment que les Tunisiens sont aveugles dans ce jeu de dupes ?



Vos « visions avant-gardistes » pour la promotion des droits de l’Homme du Président Morsi et des prisonniers politiques en Egypte feraient bien de s’appliquer en Tunisie. Il faut balayer devant sa porte avant de prétendre donner des leçons dans la maison voisine :



Jabeur Mejri, les rappeurs Klay BBJ et Weld el 15, le metteur en scène Nassredine Shili, le cinéaste et fondateur de Radio Chaabi, Nejib Abidi, le réalisateur Abdallah Yahia, l’ingénieur du son Yahia Dridi, le compositeur Slim Abida, la féministe Amina Sboui, … pour ne citer que les plus médiatisés.



La Prison, quartier de haute sécurité pour les Tunisiens.



Jabeur Mejri, de sa prison miteuse où des maladies d’un autre temps pullulent, sera probablement reconnaissant que vous cherchiez à le protéger des milices salafistes. Les mêmes que les autorités en place ont laissé proliférer en toute connaissance de cause. D'ailleurs, nous allons être nombreux à répondre à votre invitation pour aller en prison en quête de sécurité dans un pays de non droit !



Un peu de sérieux quand on évoque la sécurité publique ne nuirait pas à la Tunisie même si les autorités que vous représentez sont incompétentes pour la garantir à l’ensemble des citoyens.



Votre renoncement à vos idées et aux valeurs défendues par les Révolutionnaires ne sera pas notre renoncement à défendre Jabeur Mejri et à exiger sa libération.



Nous, nous ne baisserons pas les bras et nous n’attendrons pas que le vent change pour agir avec encore plus de détermination que cela soit en Tunisie.



Nous appelons les citoyens, les ONG, les militants, les partis politiques à nous rejoindre dans les actions que nous allons lancer en Tunisie comme à l’étranger.




(1)   A l’occasion de sa participation au Council on Foreign Relations le 25 septembre dernier, Le Président Marzouki a donné l’explication du maintien en prison en répondant à une interpellation de Kenneth Roth, directeur exécutif de Human Rights Watch

 


 (voir à 24 '30'' pour l'extrait concernant Jabeur Mejri)


J'ai été profondément choqué par ça. Il est triste qu'un jeune homme soit condamné à 7 ans de prison pour une bande dessinée. Bien sûr, c'est une bande dessinée. Nous avons également une société très traditionnelle et très conservatrice. Et maintenant soyez sûrs que j'attends juste le bon moment vous savez, un moment particulièrement bon pour relâcher ce type. Vous savez quand vous avez cette situation avec les salafistes, extrêmement violents et ainsi de suite, relâcher ce gars juste maintenant pourrait être dangereux pour lui-même.

Mais j'ai décidé que j'attends juste quelques mois avant hop (sic), il sera relâché.









Le Comité de soutien